Domaine national
de Saint-Germain-en-Laye

Extrait

Le plus grandiose des projets de Le Nôtre à Saint-Germain concernait la grande terrasse. Là, non content d´insérer ses perspectives dans un vaste ensemble, il organisa des travaux de terrassement herculéens afin de conformer le rebord du plateau à ses desseins. L´affaire fut malaisée à mettre en œuvre, et Colbert difficile à persuader. En effet, Le Vau avait présenté un autre projet moins dispendieux : la terrasse aurait épousé la saillie du talus évitant ainsi la monotonie d´une longue ligne droite. Après « luy avoir bien disputé », Colbert se rangea aux idées de Le Nôtre. Il accepta l´idée d´une grande allée (fig. 10) allant en ligne droite d´un rond-point circulaire (actuellement appelé rosarium) à une place octogonale (le rond royal) (fig. 11) où les équipages pourraient faire demi-tour sans difficulté. D´énormes travaux de terrassement furent nécessaires, puisqu´on ignorait le flanc naturel de la colline. Ils durèrent de 1669 à 1674. La difficulté était double : tout d´abord, il fallait pallier la faiblesse du terrain qui avait montré sa fragilité en 1660, lors de l´effondrement des terrasses du Château Neuf. De plus, pour éviter la monotonie qu´aurait engendrée une ligne droite de 1 945 mètres de long. Le Nôtre avait imaginé de donner à la terrasse une légère déclivité jusqu´à environ 1/3 du parcours, pause marquée par une demi-lune, au-delà de laquelle le terrain serait plat. Ainsi, lorsque le promeneur se place au départ du belvédère, il a l´impression que la demi-lune marque le milieu du trajet à accomplir et ce n´est que chemin faisant qu´il s´aperçoit de l´ampleur de la promenade. Par contre, une fois arrivé à l´octogone, il appréhende d´emblée, en se retournant, la distance parcourue. Ces jeux d´optique peuvent encore être appréciés aujourd´hui, de même que les effets de surprise et les grandes perspectives, maîtres-mots de la pensée de Le Nôtre. Ainsi, pour parvenir à la grande terrasse, à l´époque de Louis XIV, on devait suivre une avenue plantée d´arbres qui partait du bassin circulaire du grand parterre et d´où on ne pouvait deviner ni l´existence d´un aussi vaste panorama ni la terrasse elle même, moyen de prolonger indéfiniment le plaisir d´en jouir. C´est encore le cas aujourd´hui.