Polia, revue de l´art des jardins n°5 [Épuisé]

Extrait

Le château, en fond de vallée, est bâti sur un rocher émergeant du marécage au confluent de la Nonette et d´un ru. Malgré les interventions de l´architecte Pierre Chambiges plus d´un siècle auparavant, il conserve son allure de forteresse médiévale aux façades tourmentées, sans aucune symétrie. Il n´est pas dans le goût du temps. Le prince le délaisse. Le Nôtre l´ignorera. Le prince, sans rivaliser directement avec Versailles, veut faire de son jardin une splendeur qui se distinguera par sa magnificence de ceux de ses pairs. À cette fin, il décide de multiplier les jeux d´eau, en particulier les cascades, les jets, les gerbes et, comble du luxe, veut qu´ils fonctionnent jour et nuit en présence de ses visiteurs. De telles extravagances sont rares ou utilisées avec parcimonie dans quelques jardins d´Île-de-France, à Fontainebleau, Sceaux, Saint-Cloud… Sa référence est le jardin de Vaux-le-Vicomte, mais Condé veut faire mieux que Fouquet. Le jardin de Vaux est traversé d´un canal et agrémenté de nombreux jets d´eau ; le canal de Chantilly sera plus large, beaucoup plus long, et les jets d´eau seront 20 fois plus nombreux. Mais pour faire « jouer les eaux », éblouir le promeneur, il faut disposer en permanence de beaucoup d´eau sous pression et l´amener au bon endroit par de longues canalisations, ce qui nécessite d´engager de grands travaux, très coûteux, à la portée de peu de bourses. Le projet est très ambitieux et commande de mobiliser toutes les ressources hydrauliques et géologiques du site ainsi que les ressources technologiques du temps. Le prince va le mener à bien avec le sens de l´économie.